Gamification & Ludification : quelle est la différence ?

la différence entre la gamification et la ludification

La gamification et la ludification sont très souvent deux mots qui se confondent, surtout dans le milieu du marketing. On mélange les deux termes sans comprendre leur étymologie et la différence pourtant très importante entre eux.

Définition des termes gamification et ludification

La gamification par définition c’est : l’utilisation des mécaniques du jeu vidéo dans un domaine qui ne s’y apparente pas, dans l’objectif de déclencher un comportement précis de la part d’un utilisateur.

La ludification pour sa part c’est : un système où on va uniquement essayer d’ajouter de l’amusement à quelque chose qui ne l’est pas, dans un but, par exemple, d’apprentissage.

Étymologie des termes

Si l’on souhaite réellement comprendre pourquoi la gamification est différente de la ludification, il faut retourner à l’étymologie des deux termes.

Roger Caillois, un écrivain et sociologue français, sépare dans ses études, le jeu environnement normé (game), du jeu de divertissement (play). Cette distinction illustrée au travers des termes anglo-saxons game et play introduit une nuance qui permet de comprendre un contresens dans l’emploi du terme.

Au sein du langage français game et play se retrouvent sous couvert d’un seul et unique mot : le jeu.

Ainsi, une traduction hâtive et pourtant généralisée serait de qualifier en français gamification (issue du game) par le terme de ludification qui lui renvoie à la notion de ludicité (play).

La notion de game

Hors, il y a une réelle différence entre ces deux termes. Tout d’abord, la notion de Game renvoie à un dispositif de jeu avec des objectifs et des règles précises. On peut prendre en exemple le jeu de société.

Les règles ainsi que les objectifs sont fixés pour l’ensemble des participants. Sinon, le jeu ne peut démarrer. Le Game est aussi une activité, il renvoie à la notion du Ludus, terme inventé par Caillois pour définir la notion de Game : “Goût pour la difficulté gratuite, tendance à dresser des règles et imposer des conventions afin de réduire l’incertitude de l’effet d’une activité et de la diriger vers un but précis. Composante de l’amusement, il est opposé à la paidia, et on le retrouve dans des activités telles que les compétitions sportives, les jeux de sociétés, l’alpinisme ou la voltige.”

Le Game est donc une activité régulée et encadrée, lié à la compétition et au dépassement de soi.

La notion de Play

La notion de Play, de ludicité (ou Paidia) se définit comme une : “Puissance primaire d’improvisation et d’allégresse, fantaisiste sans règles. Composante de l’amusement, opposé au ludus, que l’on retrouve dans des activités telles que le cerf-volant, les dés, pile ou face, les comptines, les imitations enfantines …”

Ce sont donc des activités où le plaisir domine, la notion de jeu est au plus fort et les règles n’existent pas, il n’y a pas forcément de victoire ou d’objectif précis au sein du jeu. La notion de Paidia, ou Play, renvoie aux notions d’amusement, de hasard, d’imitation.

Game vs Play

En résumé, le Game renvoie à la notion de compétition, de règle, de jeu encadré. C’est ce qu’on retrouve dans le sport, les jeux de sociétés… Alors qu’à l’inverse, la notion de Play renvoie à de l’amusement, dénué de règle. C’est ce qu’on retrouve dans les imitations, ou des activités comme le cerf-volant, où le seul objectif est l’amusement. Il n’y a pas de notion de victoire.

Gameplay, la fusion entre gamification et ludification

Les notions de Game et de Play sont donc différentes, mais pas forcément exclusives l’une de l’autre. Durant un jeu rien n’empêche de s’amuser.

Il peut donc y avoir du Play au sein d’un Game. Par exemple, pendant une partie de Times’up, on peut s’amuser à faire des imitations ou des mimes tout en respectant les règles. Plaidia et Ludus ne sont donc pas exclusifs.

Un autre exemple intéressant est celui du football. Il n’est pas rare de voir des joueurs s’amuser sur le terrain à dribbler ou faire des gestes un peu sensationnels, ou tout simplement, à danser pour célébrer un but. Ce ne sont pas des éléments prévus et définis dans les règles.

On retrouve donc ici du play, de l’amusement, au sein d’un game, un jeu nommé, entouré de règles qui ne spécifie pas cette partie de l’amusement.

On peut même aller jusqu’à dire qu’ils sont compatibles au point qu’un autre terme anglais autour du jeu est né, celui de : Gameplay.

Gameplay, un élément central des jeux vidéos

Dans le cadre d’un jeu vidéo, le Gameplay représente la manière dont on joue (règles, objectifs) mais aussi le plaisir que doit susciter le jeu, et les avantages sont nombreux.

Selon Marc Goetzmann et Thibaud Zuppinger (2016) : «Le gameplay est l’articulation entre le game, les structures et règles de jeu, et le play, la façon dont le joueur s’approprie les possibilités du jeu en mettant au point ses propres stratégies, pour répondre aux contraintes que les règles constitutives du jeu lui imposent ».

Le gameplay est souvent utilisé pour évoquer l’expérience au sein du jeu. C’est donc l’ensemble des mécanismes utilisés pour améliorer le plaisir et la satisfaction des utilisateurs.

Le réglage du gameplay est aussi lié à la difficulté du jeu, les règles, les récompenses … tant d’éléments qui, bien pensés, permettent d’augmenter l’expérience de l’utilisateur et donc d’améliorer l’engagement des joueurs, l’image, l’engagement auprès de la marque, et une meilleure rentabilité.

Le gameplay regroupe donc parfaitement ces deux éléments, game et play, et nous montre le lien entre les deux. Cette différence et cette complémentarité entre game et play est le premier pas qu’il faut comprendre pour pouvoir étudier les concepts de gamification, issu du game et ludification.

Gamification et Ludification

On comprend mieux la différence et le lien entre Game : environnement normé, avec des règles et des objectifs et Play : puissance primaire, fantaisistes sans règles, composante de l’amusement.

Comprendre la gamification

Gamification est donc un terme issu du game, alors que Ludification est issu du play. On retrouve donc dans le terme de gamification, l’aspect régulé, encadré, et défini, qu’on peut ensuite insérer au sein d’un système.

Alors que pour un système ludifié, on y retrouve plus principalement, l’amusement, le divertissement comme élément central permettant de déployer ce système.

Une application comme Kapten (anciennement chauffeur privé, un des concurrents d’Uber en France), qui donne des points de récompense à chaque utilisateur en fonction du prix de sa course, sa distance, et le temps resté en voiture est un exemple parfait de gamification.

Ces points obtenus peuvent ensuite être échangés contre des réductions, voir même des petites courses gratuites. On retrouve bien là une utilisation des points mais avec une récompense à la clé, un objectif pour l’utilisateur d’obtenir des courses gratuites.

C’est dans la même idée que la carte de fidélité d’United Airlines, le premier processus de gamification. Il y a un objectif  business défini de fidélisation. Il y a à la fois des points, des récompenses et un objectif business pour l’entreprise, c’est bien un système gamifié.

Comprendre la ludification

A l’inverse, Drops, représente parfaitement un système ludifié. C’est à dire un système où on va uniquement essayer d’ajouter de l’amusement à quelque chose qui ne l’est pas, dans un but, par exemple, d’apprentissage.

Cette application a pour but d’aider à enrichir son vocabulaire en anglais. Pour cela, elle propose une très grande bibliothèque de mots en anglais. Ils sont répartis suivant plusieurs thématiques : Ville, nourriture, animaux, voyages ..

Dans chaque catégorie on retrouve l’ensemble des mots liés, des exemples d’utilisation dans des phrases et plusieurs mini jeux. Dans chaque mini jeu, l’application va sortir aléatoirement des mots dans la thématique choisi et l’utilisateur va devoir trouver le bon mot, qui correspond à l’action du mini jeu.

ludification de drops

Dans l’exemple ci dessus, le mini jeu consiste simplement à relier le groupe de mot avec l’image correspondante. Il y a bien entendu un système de chrono ainsi que des objectifs de points à atteindre pour pousser l’utilisateur à se donner au maximum.

Drops est un excellent exemple de ludification car il permet de s’amuser tout en faisant quelque chose qui peut être parfois long et contraignant : apprendre une nouvelle langue ou bien, enrichir son vocabulaire dans une langue. On applique donc ici, des éléments du jeu dans le but de divertir, d’amuser l’utilisateur afin de l’aider et de faciliter une tâche qui peut être pénible.

Gamification, Ludification, Jouet et Serious Game

Pour schématiser de façon plus claire cette différenciation on peut utiliser ce schéma.

On y retrouve la forte différence entre gamification et ludification symbolisée par l’écart entre les notions de “game” et de “play”. Mais aussi par l’ajout d’une notion “d’espace” c’est à dire de savoir si le “game” ou le “play” sont appliqués à une partie ou bien l’ensemble du produit ou service.

schéma de gamification comprenant la ludification, le serious game et le jouet

Gamification

La gamification est donc dans la partie “game” ainsi que dans la partie “appliquée à quelques éléments de l’objet”. On y retrouve bien là la définition de la gamification :

La gamification est l’utilisation des mécaniques du jeu vidéo dans un domaine qui ne s’y apparente pas, dans l’objectif de déclencher un comportement précis de la part d’un utilisateur.

Ludification

A contrario, on voit bien que ludification est à l’inverse, du “play”, de l’amusement appliqué à une partie de l’objet.

L’objectif est donc d’utiliser des mécaniques du jeu afin de rendre agréable une tâche qui est pénible au premier abord.

Jouet

Le serious game et le jouet sont deux éléments proches mais différents.

Le jouet, tout comme la ludification, a pour objectif de distraire, d’amuser, sans règles précises, sans objectifs définis, sans conditions de victoire.

On peut le retrouver dans les jeux pour enfant par exemple, qui servent à l’éveil et au divertissement de l’enfant mais qui ne disposent pas de règle ou d’objectif business précis.

Serious Game

Le serious game est plus proche de la gamification. C’est donc un jeu, car c’est appliqué à l’ensemble de l’objet alors que la gamification uniquement à une partie, qui a des objectif, des règles, des conditions de réussite.

Cette catégorie représente tous les jeux pédagogiques. Les jeux, très souvent vidéo, qui ont un réel but d’apprentissage, de découverte, et qui sont entièrement pensé dans ce but là. On peut prendre l’exemple du célèbre jeu français : Le bon, la brute et le comptable.

Dans ce jeu, créer par l’agence Journalism ++, on est la directrice d’un cabinet de mairie d’une grande ville et on doit faire des choix, parfois flou entre éthique, politique et corruption pour conserver notre emploi. Le jeu entier à pour but de nous faire prendre conscience de la corruption qui peut régner entre certains politiques et de la difficulté des choix qu’il faut faire.

C’est donc un jeu à part entière, pensé et conçu avec un but précis.

Le serious game est le parfait opposé de la ludification, il n’a pas pour objectif d’être “fun” mais d’apporter quelque chose à l’utilisateur. Il n’est pas appliqué à une partie de l’objet ou du système, il est un jeu à part entière.

La différence entre gamification et ludification

La gamification est donc l’utilisation des mécaniques du jeu vidéo dans un domaine qui ne s’y apparente pas, dans l’objectif de déclencher un comportement précis de la part d’un utilisateur. On y retrouve le côté “régulé” vu plutôt dans la différenciation entre Game et Play.

Pour la ludification l’objectif est d’utiliser des mécaniques du jeu afin de rendre agréable une tâche qui est pénible au premier abord. Uniquement dans un but “fun” et sans objectif business précis derrière.

La Gamification n’est donc pas la Ludification. Ces deux termes sont proches, pas forcément exclusifs l’un de l’autre, mais ne sont cependant pas similaires.